Manipulation, endoctrinement, faux souvenirs: Comment fonctionne notre cerveau ?

Soumis par Anonyme (non vérifié) le mer 20/04/2016 - 00:00
cerveau

"Nous sommes tous manipulables," scande le magazine "La Recherche" en préambule de son dossier d’avril 2016 "Manipulation, Endoctrinement, Faux souvenirs: Comment le cerveau résiste ?", avant de renchérir: "Nos comportements, nos opinions, jusqu’à nos souvenirs les plus intimes peuvent faire l’objet de modifications à notre insu. Comment résister ? Une étape essentielle est de prendre conscience des limites de notre cerveau et de comprendre les leviers de la manipulation et de l’endoctrinement pour mieux s’en prémunir."

Accepter le fait que nous sommes tous manipules, que chacun de nous peut se laisser manoeuvrer par autrui, apprendre et comprendre comment notre cerveau fonctionne, tel est l’objectif de ce dossier de 15 pages, découpé en quatre parties:

  • Nos actes sous influence, qui met en lumière la théorie de la dissonance cognitive, élaborée par le psychologue Léon Festinger - et qui s’est imposée comme le pilier de la psychologie sociale.
  • Prisonnier de ses souvenirs, qui met en lumière le fait que notre mémoire est fragile, pleine de défauts. Qu’elle peut construire, halluciner un souvenir qui n’a, en fait, aucune attache avec le réel.
  • Un entretien avec le sociologue Gerald Bronner, qui explique les mécanismes par lesquels un individu ordinaire devient un fanatique.
  • Comment désamorcer l’embrigadement des jeunes ?, un article qui expose une méthode mise au point et appliquée par le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam.

Nos actes sous influence, Anne Debroise

Plus la récompense est faible, plus les sujets seraient donc obligés de trouver une justification interne.

"On parle de dissonance dès que l’individu est confronté à deux cognitions ou croyances qui ne vont pas ensemble. Par exemple, quand on tient un discours auquel on n’adhère pas, quand on a un comportement contraire à son habitude," explique le chercheur en psychologie Fabien Girandola. Concrètement, rien ne sert de punir, de sanctionner. Quid en terme d’éducation ? 

 

En 1962, Jack Brehm et Arthur Cohen - psychologues et professeurs à l’université de Yale - ont mené une expérience. Aux étudiants opposés à une intervention policière sur le campus, ils leur ont demandé de rédiger un texte qui justifie une telle opération. Un labeur qui était rémunéré entre 0.5 et 10 dollars. "Résultats: ceux qui ont été le mieux payés n’ont pas changé d’attitude, mais plus la rémunération était basse et plus les opinions ont évolué en faveur de l’intervention. Leur acte a modifié leur opinion." 

Paradoxal ? Contre intuitif ? Assurément. En fait, la carotte de 10 dollars a eu pour conséquence de trouver un prétexte, un intérêt. Les 10 dollars rendaient leur agissement cohérent. Pour les autres, à 0.5 dollars, l’argent n’avait pas cette signification. Pour justifier leur acte, ils ont donc estimé que l’exercice, l’écrit, avait des bons côtés. "Plus la récompense est faible, plus les sujets seraient donc obligés de trouver une justification interne." Certes, une conclusion difficilement acceptable, et pourtant confirmée par maintes études. Libre à vous de l’ignorer, ou de tenter de pousser plus loin vos connaissances sur ce phénomène de la dissonance cognitive, et peut-être de l’accepter, et peut-être de l’intégrer. Ou pas.

Prisonnier de ses souvenirs, Julia Shaw

Notre mémoire est pataude, fragile, et pleine de défauts. Je vous conseille donc d'être particulièrement prudent lorsqu'un tiers tente de vous convaincre d'adopter sa version de la réalité, Julia Shaw

"Comment des personnes innocentes sont-elles amenées à avouer des crimes qu’elles n’ont pas commis ? Deux ingrédients suffisent: la répétition de fausses informations et les capacités d’imagination du cerveau," explique Julia Shaw, chercheuse en psychologie sociale. Un phénomène qu’illustre la série "Making a Murdurer", diffusé sur NetFlix. Ou comment des questions orientées, des informations suggérée et des incitations régulières à imaginer le déroulement d’un événement a amené un individu à douter, puis à croire, puis à intégrer. Oui, je l’ai fait. En thérapie, "les souvenirs imaginaires induits par un thérapeute peuvent engendrer un état de stress post-traumatique," prévient Julia. Un documentaire, récemment diffuser sur Arte revient sur cela: "Emprise mentale, quand la thérapie dérape." 

Et à Julia Shaw de conclure: "Ne voyez là aucune déclaration défaitiste, ce serait mal me comprendre. A mes yeux, l’ensemble des neurones qui forme la base de nos souvenirs demeure notre plus bel attribut. Leur plasticité nous permet de penser de manière abstraite et de faire des associations entre des événements imaginaires ; grâce à elle, nous pouvons résoudre des énigmes en envisageant d'innombrables solutions potentielles." Donc, prenez conscience que la mémoire est fragile et évitez que cette fragilité se transforme en piège.

Entretien avec Gérald Bronner, propos recueillis par Gautier Cariou

Il faut apprendre aux jeunes à douter. Pas n’importe comment, mais de façon méthodique, Gérald Bronner

Dans cet entretien, Gerald Bronner revient sur comment un individu lambda - moi, vous, nous - est susceptible de devenir un fanatique: la frustration relative - entre ce que j’estime avoir, et ce que j’ai - la formation des croyances folles du fanatique - qui se résume avec la métaphore de la grenouille: mettez là dans de l’eau bouillante, elle s'échappera. Faites doucement cuire l’eau, elle s'ébouillantera. De même, chaque étape d’une adhésion à une croyance folle semble raisonnable. Puis, plus on gravit l’escalier, et plus le "raisonnable" ne l’est plus. Un processus que nous évoquions dans ce billet de blog, si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez cliquer ici !

Comment agir ? "Il faut apprendre aux jeunes à douter. Pas n’importe comment, mais de façon méthodique: le doute ne doit pas devenir métastatique. Douter de tout mènerait à une sorte de nihilisme cognitif qui est le terreau des théories du complot (...) Le doute méthodique peut leur être enseigné au détour de cours de science. Ce serait intéressant d’enseigner très tôt aux élèves la différence entre causalité et corrélation qui est un levier important de manipulation." Aussi, il est necsssaire d'enseigner la taille de l’échantillon, car notre jugement est fondé sur un échantillon. "Si l’on reconstruit la taille de l’échantillon, l’illusion disparaît," et de conclure: "c’est par la connaissance des limites de notre cerveau que l’on évitera le piège de l’endoctrinement."

Comment désamorcer l’embrigadement des jeunes, par Dounia Bouzar

Pour sortir les jeunes de la radicalisation, il faut leur faire prendre conscience que leur engagement repose sur des mythes individualisés, construits par des rabatteurs, Dounia Bouzar

Dans "Comment désamorcer l’embrigadement des jeunes", le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam revient sur sa méthode, en deux parties: rétablir le lien rompu entre le jeune et sa famille, en l’amenant à se remémorer des moments clés de son enfance, puis susciter le doute chez lui en l’invitant à témoigner du décalage entre le discours des rabatteurs, qui l’ont embrigadé, et la réalité du terrain.

Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez lire ce captivant et enrichissant dossier du magazine "La Recherche" - avril 2016, numéro 510.

Manipulation du cerveau, une émission de la RTS

Vous croyez être libre dans vos choix quotidiens, mais en réalité vous êtes trés influencés

"Manipulation du cerveau", une émission de la RTS - Spécimen - et diffusée en 2013. "Vous croyez être libre dans vos choix quotidiens, mais en réalité vous êtes trés influencés", débute cet intéressant documentaire de 55 minutes.

Article rédigé par McGulfin / Fabien Salliou

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