L’homme qui répare les femmes, la colère d’Hippocrate, Thierry MICHEL et Colette BRAECKMAN

Soumis par Anonyme (non vérifié) le mar 05/04/2016 - 00:00
mukwege

« L’homme qui répare les femmes, la colère d’Hippocrate, » un film de Thierry MICHEL & Colette BRAECKMAN

Prix Sakharov 2014, le docteur Mukwege est internationalement connu comme l’homme qui répare ces milliers de femmes, violées durant 20 ans de conflits à l’Est de la République Démocratique du Congo, un pays parmi les plus pauvres de la planète, mais au sous-sol extrêmement riche. Sa lutte incessante, pour mettre fin à ces atrocités et dénoncer l’impunité dont jouissent les coupables, dérange. Il est l’objet d'une nouvelle tentative d’assassinat, auquel il échappe miraculeusement. Menacé de mort, ce médecin au destin exceptionnel vit dorénavant cloîtré dans son hôpital de Bukavu, sous la protection des Casques bleus. Mais il n’est plus seul à lutter. A ses côtés, ces femmes auxquelles il a rendu leur intégrité physique et leur dignité, devenues grâce à lui de véritables activistes de la paix, assoiffées de justice. (Pour accéder à plus d'informations sur le film, vous pouvez cliquer ici !  - Date de sortie du film: le 15 avril 2016, vous pouvez cliquer ici pour en savoir plus ! )

 

Mercredi 14 novembre 2012, Parlement Européen. Rencontre avec le docteur Denis Mukwege, fervent humaniste et médecin chef de l’hôpital de Panzi (Sud-Kivu, Congo), qui soigne gratuitement depuis quinze ans des femmes victimes de violences sexuelles.

« Je ne veux pas être un martyr. Je veux vivre au Congo. Je veux me battre auprès des Congolais, » déclare Denis Mukwege devant le parterre de journalistes et de sympathisants avant de renchérir: « Au Congo, la guerre existe depuis 1996. Nombre de régions sont pacifiées, mais il y a encore cette guerre dans l’Est du Congo. Pourquoi ce conflit? Qui peut l’expliquer ? Ce n’est pas une guerre tribale, ni officiellement une guerre entre deux nations, ni un conflit religieux. Cette guerre qui déchire l’Est du Congo porte en fait sur les richesses naturelles: cassitérite, or, etc. Nous pouvons y mettre fin. Nous pouvons donner aux gens la possibilité de vivre en paix. » En 16 ans, plus de 6 millions de morts et 600 000 viols, et face à cette tumeur qui ronge le pays, cette frénésie du mal, «  la communauté internationale ne fait rien, et cette omission d’agir est tout simplement un crime humanitaire. »

Victime d’une tentative d’assassinat en RDC, Mukwege répare les femmes victimes de viols et de sévices sexuels. Une guerre de basse intensité qui est devenue, plus qu’une arme, une véritable stratégie militaire, car planifiée. « Le Viol, c’est tuer quelqu’un en le laissant en vie. C’est pire. C’est cruel. » Chaque jour, le docteur vit avec une peur: celle de la banalisation « s’accommoder du mal, des crimes, c’est un grand danger. Écoutez radio Okapi, par exemple, qui traite des violences comme de simples fait divers et qui passe rapidement à autre chose. »
 

Les paroles peuvent soigner et soulager, ce sont des vecteurs de guérison. De manière empirique, en écoutant les témoignages de ses victimes, le docteur Mukwege établie une typologie de la terreur. Chaque groupe armé dispose d’une technique propre: « On reconnait dans la mutilation de ces femmes, la signature de leur agresseur », comme l’explique Colette Braeckman. Chaque formation à ses méthodes pour les avilir, plus inhumaines les unes que les autres: « comme l’introduction d’huile dans le vagin avant d’y mettre le feu, comme le rapporte le Guardian dans un récent article », cite Mukwege.

 

Panzi porte la voix des sans voix. Depuis plus de 10 ans, le docteur Mukwege et son équipe s’attaquent aux conséquences de la guerre. Devant l’ampleur du mal qui ronge consciencieusement le pays, le rôle de l’hôpital de Panzi ne cesse d’évoluer. « Au départ, nous prenions en charge les victimes de viols. Rapidement, nous avons constaté que sur le plan médical cela ne suffisait pas, car les sévices s’accompagnent de graves troubles psychologique, y compris pour les victimes que pour leur famille. Nous avons ainsi ouvert un service d’aide psychologique. De même, des programmes d’aides socio-économiques ont vu le jour: des micros crédits accordés aux femmes, des formations gratuites, afin qu’elles puissent se réinsérer dans la société. Enfin, nous apportons une aide juridique aux victimes. Mais les jugements sont rarement appliqués. Le but est de décourager les victimes de sévices sexuels », se lamente le docteur avant de rajouter, plein d’espoir: « Chaque jour, ces femmes nous ré-humanisent, nous donnent du courage, la force d’avancer. Vous ne pouvez pas savoir cette joie qui nous envahie lorsqu’une femme, en cours de rétablissement, vient nous voir et nous dit: Docteur, je peux uriner moi même. »
 

Il faut se focaliser sur les causes. « Traiter les conséquences, ce n’est qu’un palliatif: toutes ces femmes qui, sans cesse,  reviennent, toujours plus mutilées. C’est un cancer qui gagne du terrain, qui se banalise. Il faut enlever les racines, les causes de cette souffrance. Il est là le combat. »
Congo: absence d’état de droit, absence de leadership, négation de la dignité humaine. Pléthore de questions se posent. Comme: la paix ne peut se construire que si la justice est faite (sans justice, pas de paix) ? Ou la paix est-elle un préalable à la justice, qui ne peut être exercée (rendue) qu’une fois les tensions apaisées ? L’armée en RDC est composée de groupes armé et accueille des rebelles, les mêmes qui ont violé, qui ont pillé. Tous sont amnistiés: c’est pour la paix. La paix est nécessaire. La paix est vitale. « On sacrifie la justice sur l’autel de la paix, et au final, nous avons ni l’un, nil’autre, » fustige Denis Mukwege avant de renchérir:« Sans justice, il ne peut y avoir d’état de droit. »
 

On ne peut pas tuer la vérité, la vérité est têtue.  « Si le gouvernement ne peut pas vous protéger, nous, les femmes, nous vous protégeront » c’est ce que m’ont déclaré des femmes, après ma tentative d’assassinat. « Toutes ces femmes transforment leurs douleurs en force. Bientôt, il y aura une impossibilité à ne pas les laisser agir.» Mais l’aide, doit aussi venir de nous tous. Nous ne pouvons nous taire et rester aveugle devant cette grave crise humanitaire.

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