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Grandir et devenir adulte: un processus permanent

Soumis par f.salliou le mar 27/06/2023 - 15:20
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Grandir ne se limite pas à la biologie. Ce n’est pas une question d'âge. Ce ne sont ni les rides, ni l’expérience qui font de nous des adultes. Devenir adulte est un processus permanent. Qui ”implique de développer une pensée critique et autonome, ainsi qu'une responsabilité morale envers les autres et envers soi-même”. Finalement, qu’est-ce qu’être adulte ? Qu'est-ce que grandir veut dire ? Découvrons-le avec la philosophe, commentatrice culturelle et essayiste américaine Susan Neiman, auteure de “Grandir: l’éloge de l’âge adulte à une époque qui nous infantilise”.

Pour le psychanalyste et essayiste Dominique Barbier: “l'adulte est une espèce en voie de disparition” (Le Vif, 14/06/2023). Pour Barbier: “grandir ne fait plus rêver (...) grandir ne fait plus recette. Nous souffrons du syndrome de Peter Pan, l’enfant qui ne souhaitait pas grandir.” Et d’expliquer: “Notre société, obsédée par la jeunesse, considère que devenir adulte c’est se résigner. Avoir une vie moins aventureuse.” Ainsi, comment donner aux jeunes l'envie de grandir si nous ne leur donnons à voir que des personnes plus âgés qui rêvent de revenir à leur âge ?

Gardons aussi à l'esprit que la jeunesse n'est pas un long fleuve tranquille. C'est une période pendant laquelle nous nous questionnons sur tout: nous ne savons pas encore qui nous sommes, nous découvrons l'amour, le monde du travail, etc. Pour partie, nous ignorons nos forces et nos faiblesses. Et pourtant, nous entendons constamment ce même et sempiternel refrain: "tu vis le meilleur moment de ta vie. Profites-en." Vraiment ?

🌱 Grandir, c’est renoncer et capituler ! Une croyance populaire...

Grandir et devenir adulte est difficile et complexe. Toutefois, le problème n’est pas tant que c’est un chemin difficile ; le souci c’est que c’est un parcours ennuyeux, monotone, barbant. Dans l’inconscient (ou le conscient ?) collectif, la vie adulte est synonyme de sérieux, de désillusion et d’ennui.

Vieillir, c’est renoncer. Vieillir, c’est capituler. Grandir, c’est se trahir.

C’est un fait, pour la philosophe Susan Neiman, dans nos sociétés “grandir” est souvent assimilé à quelque chose de négatif, à une résignation et à un déclin. Le déclin de nos rêves, de nos aspirations, etc. “Devenir adulte, c'est se résigner à une vie moins aventureuse et beaucoup plus insignifiante que ce à quoi l'on pensait pouvoir prétendre.

🔎 Qu’est-ce que grandir et devenir adulte? Une définition...

Grandir, c’est accepter les incertitudes qui traversent nos vies ; c’est peut-être même vivre sans certitude, si ce n’est la certitude que nous courrons perpétuellement après ces certitudes”, explique Susan Neiman avant de renchérir: “Grandir et devenir adulte ne se limitent pas à un processus biologique ou à l'accumulation d'expériences. Devenir adulte implique de développer une pensée critique et autonome, ainsi qu'une responsabilité morale envers les autres et envers soi-même.”

Devenir adulte est un processus sans fin consistant à maintenir un précaire exercice d’équilibriste, afin de parvenir à regarder la réalité pour ce qu’elle est, tout en n’arrêtant jamais d’essayer de la transformer en ce qu’elle devrait être

Et de rajouter, en s'inspirant des écrits du philosophe Emmanuel Kant: “la maturité est plus affaire de courage que de savoir : toute l'information du monde ne saurait se substituer à l'audace de juger par soi-même. [...] Le courage est nécessaire pour supporter cette faille qui déchire nos vies, aussi bonnes soient-elles : les idéaux de la raison dessinent une image de ce que le monde devrait être ; l'expérience nous apprend qu'il est rarement tel qu'il le devrait. La maturité consiste à se confronter à cet écart, sans pour autant abandonner ses idéaux ni cette expérience.”

En résumé: “Il faut bien plus de témérité pour reconnaître que les idéaux, comme l'expérience, nous obligent. Grandir consiste à refuser de succomber au dogmatisme comme au désespoir. Agir selon ses moyens pour que son fragment de monde se rapproche de ce qu'il devrait être sans perdre de vue ce qu'il est, voilà une bonne définition de l'âge adulte.”

🏙️ Finalement, souhaite-t-on réellement grandir dans nos sociétés ? Nos sociétés souhaitent-elles véritablement des adultes ?

Est-ce que la culture que nous avons créée donne envie d'être adulte ?, s'interroge Susan Neiman, avant de répondre: non - en citant l’écrivain et le penseur Paul Goodman, notamment auteur de “Growing up absurd” publié en 1960 aux Etats-unis.

“Au contraire”, écrit Susan, “Goodman pense que les êtres humains ont besoin de grandir dans une culture qui valorise le sens du travail, le goût du collectif et la conviction que nos efforts auront une incidence sur le monde qui nous entoure. Si la consommation prime sur la satisfaction du travail, c’est parce que nous vivons dans une société d’adolescents.” Et de rajouter: "Les structures sociales dans lesquelles nous évoluons sont conçues pour nous infantiliser (...) Il est plus facile de contrôler des enfants que des adultes."

Et si nous vivions dans une culture qui ne veut pas d’adultes - car des sujets infantiles et obsédés par eux-mêmes sont plus faciles à diriger ? C’est ce qu’affirmait Kant dans Qu’est-ce que les Lumières ? S’il a raison, quel meilleur moyen de maintenir les gens dans une immaturité volontaire que de leur présenter une vision tellement sinistre de l'âge adulte qu’aucun être doté de raison et d’une âme ne souhaiteraient l'atteindre ?

Dès lors, doit-on changer de paradigme ? Et comment ?

💫 A quoi ressemblerait alors une société d'adultes ? A quoi ressemblerait une société où la maturité serait un idéal?

“Ce serait une société dans laquelle l'éducation ne serait pas, comme l'ont dit Rousseau et Kant, un processus consistant à entraîner les enfants à rester immobiles et à écouter des bêtises afin de les habituer à écouter plus tard les bêtises des politiciens, mais plutôt à encourager leur curiosité naturelle et leur désir d'explorer le monde. Ce serait une société dans laquelle les "bullshit jobs", pour reprendre l'expression de David Graeber, disparaitraient au profit d'un travail significatif qui pourrait permettre aux gens de sentir qu'ils apportent une contribution au monde. Enfin, une société dans laquelle la maturité serait l'idéal serait une société qui valorise toutes les étapes de la vie sans en privilégier une.” (Extrait d’une interview de Susan Neiman dans le magazine L’écho)

Enfin, ayez en mémoire ce proverbe africain: “On tarde à grandir, on ne tarde pas à mourir.” 

📌 Sources,

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