Facebook, Twitter, YouTube, etc. leurs objectifs est de capter notre attention, de jouer avec nos biais comportementaux, d’activer la sécrétion de dopamine et de nous retenir le plus longtemps possible. A l’ère des réseaux sociaux, sommes-nous devenus flux à lier ? Sommes-nous devenus prisonniers de nos “croyances” ? Nous devons renouer avec notre capacité à penser contre nous-mêmes.
«Chaque personne vit dans sa propre réalité, un peu comme dans le film avec Jim Carrey “The Truman Show”. Tout le monde se demande comment les gens peuvent être aussi ignorants. C’est juste que nous ne recevons pas tous les mêmes informations», explique Tristan Harris, ex-ingénieur chez Google.
Pour son documentaire "The social Dilemma", NetFlix donne la parole à plusieurs cadres et dirigeants qui ont travaillé pour Google, Facebook, Pinterest, etc. Sans fard, ces “repentis” nous invitent dans les coulisses et nous expliquent comment fonctionnent ces plateformes, dont le but est de nous retenir le plus longtemps possible.
Ne pas nous décevoir, et capter notre attention. Ne pas heurter nos croyances, et aller dans le sens de nos opinions. C’est ce que font les plateformes telles que YouTube, Tinder, Facebook, etc. Plus exactement, sur ces plateformes, nos activités en ligne sont scrupuleusement observées, mesurées et modélisées afin de nourrir des algorithmes qui vont exploiter nos biais cognitifs - dont le biais de confirmation. A savoir cette tendance naturelle que nous avons, nous les êtres humains, à privilégier les informations qui confortent nos opinions, nos idées reçues, nos convictions.
Concrètement, les algorithmes de Facebook, YouTube, etc. vont donc nous proposer des contenus qui valident nos points de vue. Comme si aucune autre théorie existait, comme si nous étions dans la vérité absolue. Comme si notre perception de la réalité était La Réalité ou, comme nous le disons en PNL, comme si notre carte était le territoire.
Comment les réseaux sociaux nous rendent accro ? La réponse: en nous faisant secréter de la dopamine
Comme l’explique une courte série de documentaires réalisée par ARTE, ces plateformes jouent également sur la sécrétion de notre dopamine. "Tu es accro à tes applis ? Tous les matins après Twitter, tu checkes tes flammes sur Tinder. Pas de métro sans YouTube ou Candy Crush. Instagram est irrésistible, Facebook addictif, t'es accro à Snapchat... et tu pètes les plombs quand t'as plus de batterie pour Uber. T'inquiète pas c'est normal. Toutes ces applis sont conçues pour te rendre complètement addict en activant dans ton cerveau la molécule responsable du plaisir, de la motivation et de l'addiction... la dopamine !"
Tous ces réseaux sont conçus pour nous rendre captif. Une métrique phare dans ces réseaux est l’émotion, la gestion de vos émotions. Un défilement infini des informations, des notifications, des lectures automatiques, des boutons pour exprimer votre joie, votre tristesse, votre colère, votre peur, votre dégoût et votre surprise, des filtres pour rendre belles vos photos, des compteurs pour apprécier qui aime vos partages, etc. Tout est pensé pour vous garder connecté. Vous vous accrochez à vos applications et vous avez peur de manquer quelque chose, de louper une information ! Tout s'enchaîne, tout s'accélère, au risque, en fin de journée, de vous sentir fatigué, déprimé: "où est donc passé mon temps ? Comment n'ai-je pu contrôler mon temps ? Me contrôler ?"
Cultivons notre esprit critique et apprenons à penser contre nous-mêmes
Depuis 2011, Sophie Mazet, professeure d’anglais dans un lycée à Paris, anime un atelier d’initiation à l’esprit critique. Comme elle l’explique à Sonia Desprez, journaliste pour Madame Figaro: “C’est après avoir découvert The Onion, un média parodique aux États-Unis, j’avais proposé à mes élèves en cours d’anglais plusieurs documents à étudier, les prévenant que parmi eux s’était glissé un «faux» texte à repérer. Je pensais que c’était facile : il y avait, par exemple, un faux discours de Barack Obama qui se terminait par «Fuck you !». Ils n’ont rien vu, sauf une élève. Après cette expérience, j’ai proposé à ma chef d’établissement cet atelier d’«autodéfense intellectuelle» pour les élèves de première, sur la base du volontariat.”
C’est en 2015 que Sophie Mazet publie son “Manuel d'autodéfense intellectuelle”, un ouvrage qui “propose d'apprendre à décrypter toutes les formes de discours dont la visée est trop souvent de nous manipuler : qu'il s'agisse du discours politique ou du discours publicitaire, en passant par le discours conspirationniste, de l'infotainment, des séries télé, des pseudo-sciences ou des extrémistes de tout poil,” comme l’explique le site Babélio.
Penser "vraiment", c'est penser contre soi, Olivier Houdé, professeur de psychologie à l’Université de Paris
En neuf chapitres, Sophie Mazet nous invite ainsi à suivre une véritable initiation à l'esprit critique. Un livre que nous vous conseillons de lire, tant il est captivant. Et gardez cette pensée en tête la prochaine fois que vous vous connecterez à vos réseaux sociaux et que vous lirez une information: doutez, ou plutôt, pensez contre vous-mêmes. C’est le début de l’amorçage de votre esprit critique.
Sources:
- The Social Dilemma, NetFlix
- Dopamine, Arte
- Manuel d'autodéfense intellectuelle, Sophie Mazet, 2017, Ed. Robert Laffont, 272 pages
- Comment sommes-nous victimes de nous-mêmes ?
- Sophie Mazet, la prof qui apprend aux élèves à penser par eux-mêmes, Madame Figaro
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