Anne-Dauphine Julliand réalise un magnifique documentaire qui dévoile - avec pudeur - la force et la joie de vivre de cinq petits patients âgés de 6 à 9 ans, à la fois insouciants et protecteurs vis-à-vis de leurs parents. Camille, Ambre, Tugdual, Imad et Charles nous prennent par la main, nous invitent dans leur monde et nous font partager leurs jeux, leurs joies, leurs rires, leurs rêves, leur maladie. "Ajouter de la vie aux jours, tous les jours." Ci-dessous, des morceaux choisies du communiqué de presse du documentaire: "Et les mistrals gagnants".
"Tu crois qu’à quatre ans on meurt trop tôt ? Moi je crois qu’on meurt tous à la fin de sa vie. De sa vie à soi. Et ça ne dure jamais le même temps pour tout le monde. Mais c’est quand même la vie. Et moi j’aime la vie," des sages paroles d’un courageux petit garçon, Camille
Comment le titre d’une chanson de Renaud a-t-elle été choisie comme titre du documentaire ?
"C’est une chanson qui m’a accompagnée dès le départ du projet. Un jour, j’ai réalisé qu’à chaque fois que je me mettais à écrire, je chantonnais Et les mistrals gagnants. J’ai compris que la chanson de Renaud résumait à elle seule tout le propos du film. Le film, ce n’est pas : « Je vais vous montrer ce qu’est un enfant malade », c’est : « Je vais vous inviter à vous rappeler de l’époque où vous étiez minot. Cette insouciance. » C’est propre à l’enfance, nous l’avons tous eue. Et je crois que la fameuse sagesse qu’une fois adulte nous cherchons tous à gagner, ce n’est rien d’autre que cette insouciance. Cette promesse de la vie. En sachant avec lucidité que l’enfance ce n’est pas facile. Qu’il y a des larmes, des douleurs…"
Comment est née ce projet ?
"Cela vient d’une expérience personnelle. C’est la vie qui nous amène sur des chemins inattendus. J’ai eu une petite fille qui a été très malade et est décédée de cette maladie. Une épreuve que personne n’a envie de vivre. Moi la première. Et pourtant, à travers son parcours et sa manière de vivre sa vie, j’ai découvert une autre façon de vivre la mienne. J’ai un peu redécouvert mon âme d’enfant et réappris à me soucier seulement de ce qui se passe dans l’instant. Cela m’a beaucoup aidée à traverser ce deuil."
"J’ai rencontré à de multiples occasions des familles touchées elles aussi par la maladie d’un enfant. Elles m’ont ouvert les yeux. Là encore j’ai vu la force de l’insouciance des enfants. J’ai compris à quel point leur vision de la vie change positivement la nôtre. Et j’ai eu envie de le partager avec le plus grand nombre. J’ai eu envie de le raconter, de le montrer, de manière incontestable : avec des mots et des regards d’enfants."
"Et les mistrals gagnants", un film sur la maladie, ou sur la vie ?
"Il s’agit bien d’un film sur la vie ! La vie vue à travers le regard d’enfants. J’aurais pu faire un film similaire avec des enfants en pleine santé car le sujet du film n’est pas leur pathologie. Mais c’est encore plus fort parce qu’ils sont confrontés à celle-ci. Lorsque le quotidien d’un adulte est bouleversé par une grande épreuve, tout vacille. Pas chez l’enfant. C’est la grande différence entre eux et nous."
Le documentaire suit uniquement le quotidien des enfants...
"Nous avons choisi de filmer à hauteur d’enfant, en n’écoutant qu’eux, et en respectant leur rythme. Y compris au montage. Le film n’est au fond qu’une appréhension de leur quotidien. Ils vont pleurer de douleur et deux minutes plus tard ils vont rire, reprocher à leur mère d’avoir trop salé le repas. Ils vivent l’instant présent. Je voulais que le film ait cette pulsation."
Et comment conclure un documentaire comme "Et les mistrals gagnants" ?
"Cela était compliqué, car la grande difficulté de ce film – et cela peut paraître paradoxal – c’est sa simplicité. Et du coup, comment finir ? J’avais ce plan sur la plage que je trouvais beau et à la fois je voulais éviter une fin grandiloquente qui aurait sonné faux. Il fallait qu’elle soit aussi simple que ce que les enfants nous ont offert. C’est juste leur vie. On a sonné chez eux, ils nous ont invité à rentrer, puis nous sommes repartis. On se dit au revoir. Je ne voulais pas que cet au revoir sonne comme un adieu. Je ne voulais pas d’une fausse dramaturgie. J’ai essayé de rester dans cette simplicité et de partir avec une image qui nous regonfle le cœur."
Du financement participatif du documentaire "Et les mistrals gagnants". Il y a deux ans, la journaliste Anne-Dauphine Julliand présentait son projet de documentaire "Et les mistrals gagnants" sur une plateforme de crowdfunding (Kiss kiss bank bank) - 50 000 euros était le budget espéré: "La vie, tel est le sujet de ce documentaire, la vie à travers des yeux d’enfants ! J'ai souhaité à travers ce film donner la parole à des enfants, des enfants « malades », qui malgré leurs pathologies graves, nous donnent des leçons de vie, de bonheur et de sérénité, à nous, adultes et à une société qui en manque cruellement."
Le 22 juillet 2015, 93 818 euros furent collectés par 1757 contributeurs. Le film allait voir le jour, et Anne-Dauphine s’en explique. "Au début de la collecte, nous avions un rêve, et ce rêve vous l’avez réalisé."
L’ASBL Emergences propose une avant-première exclusive à Bruxelles en présence d'Anne-Dauphine Julliand, le 17 février 2017, à 19h30. Dans son livre "Deux petits pas sur le sable mouillé", Anne-Dauphine pose cette question à fille, atteinte d’une maladie génétique dégénérative incurable : une leucodystrophie métachromatique, "Si tu savais que tu allais mourir ce soir, que ferais-tu de spécial aujourd'hui ? Rien, je continuerais à jouer." Et cette conclusion: "Il faut ajouter de la vie aux jours, lorsqu'on ne peut plus ajouter de jours à la vie."
Pour aller plus loin:
- "Deux petits pas sur le sable mouillé", Anne-Dauphine Julliand, Les arènes, Mars 2011, 230 pages
- "Et les mistrals gagnants," documentaire d’Anne-Dauphine Julliand, communiqué de presse
- Avant première "Et les mistals gagnants", asbl Emergences, le 17 février 2017
- Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire