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Autojustification et dissonance cognitive: pourquoi ai-je toujours raison ?

Soumis par Anonyme (non vérifié) le lun 27/02/2017 - 00:00
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Nous sommes tous capables de croire des choses que nous savons être fausses, puis, quand notre erreur est finalement évidente, de déformer impudemment les faits afin de prouver que nous avions raison. Intellectuellement, il est possible de continuer à procéder ainsi pendant une durée indéterminée : seul s'y oppose le fait que, tôt ou tard, une conviction erronée se heurte à la dure réalité, généralement sur un champ de bataille, George Orwell

Pourquoi avons-nous tant de peine à reconnaître nos propres erreurs ? Alors que nous avons pris de mauvaises décisions, pourquoi nous justifions-nous ? Alors que pléthores de faits nous accablent pour une faute que nous avons commise, pourquoi tentons-nous de nier la réalité ? Compilant plus d’un demi-siècle de recherche, Carol Tavris et Elliot Aronson mettent en lumière l’importance de l'autojustification dans nos vies. "Nous déformons systématiquement nos souvenirs et nos récits de manière à maintenir la plus grande consonance possible entre ce que nous avons fait et ce que nous pensons être."

 

Mensonge et autojustification. "La plupart des gens, dans la plupart des cas, ne cherchent pas à tromper qui que ce soit, pas plus qu'ils ne disent toute la vérité. Nous ne mentons pas: nous nous justifions," expliquent Tavris et Aronsons. Plus précisément, nous nous autojustifions. "Entre le mensonge conscient, qui vise à tromper les autres, et l'autojustification inconsciente, destinée à nous tromper nous-mêmes, s'étend une zone grise fascinante, dans laquelle opère une historienne qui ne sert que son propre intérêt et à laquelle nul ne peut se fier : notre mémoire (...) Notre mémoire fait disparaître les dissonances. «Historienne révisionniste», elle réinterprète le passé à l’aune de nos intérêts présents."

Qu'est-ce que l'autojustification ? "L'autojustification ne consiste pas à mentir ou à trouver des excuses. Bien évidemment, on ment et on invente des histoires invraisemblables pour s'épargner la colère d'un partenaire, d'un parent ou d'un employeur, pour éviter d'être poursuivi en justice ou jeté en prison, pour ne pas perdre la face, pour éviter de perdre son emploi, ou pour se maintenir au pouvoir. Cependant, il existe une différence très nette entre l'exercice auquel se livre un homme coupable pour convaincre d'autres personnes de ce qu'il sait pertinemment être faux (« Je n'ai pas eu de relation sexuelle avec cette femme » ; « Je ne suis pas un escroc ») et le processus par lequel il se persuade lui-même qu'il a fait quelque chose de bien. Dans le premier cas, il ment consciemment pour sauver sa peau. Dans le second cas, il se ment à lui-même. C'est en cela que l'autojustification est plus puissante et plus dangereuse que le mensonge explicite. Elle permet aux personnes coupables de se convaincre qu'elles ont fait tout leur possible, et que, finalement, elles ont même fait quelque chose de bien. « Je n'avais pas le choix », se disent-elles. « En fait, c'était une excellente solution. » « J'ai fait ce qu'il y avait de mieux pour mon pays. » « Ces salauds n'ont eu que ce qu'ils méritaient. » « Je suis dans mon bon droit. » "

 

Autojustification et dissonance cognitive. "Le moteur de l’autojustification, la force qui nous pousse à justifier nos actes et nos choix - surtout les mauvais - est une sensation désagréable, que le psychologue Festinger appela “dissonance cognitive”. La dissonance cognitive est l’état de tension dans lequel se trouve une personne qui à deux cognitions (idées, attitudes, croyances, opinions) psychologiquement incompatibles, telles que “fumer est une habitude stupide: on peut en mourir” et “je fume deux paquets par jour”. La dissonance provoque un désagrément psychique, allant du léger accès à l’angoisse profonde. Les personnes qui la subissent ne peuvent dormir tranquilles tant qu’elles n’ont pas trouvé un moyen de l’atténuer. Pour une fumeuse, le moyen le plus direct d’y parvenir consiste à arrêter de fumer. Cependant, si elle tente de le faire et qu’elle échoue, elle cherchera à réduire sa dissonance en se persuadant que la fumée n’est pas finalement pas si nocive, que ses risques sont largement compensés par le fait qu’elle lui permet de se détendre et qu’elle lui évite de prendre du poids (après tout l’obésité est aussi une source de risques pour notre santé), et ainsi de suite. La plupart des fumeurs parviennent à diminuer leur dissonance par de tels moyens, aussi ingénieux qu’illusoires." 

De la juste part de responsabilité. "Lorsque nous construisons les récits qui “donnent sens” à nos expériences, nous faisons preuve de complaisance. Les coupables ont tendance à minimiser leur responsabilité morale; les victimes ont tendance à magnifier leur innocence. Que nous nous trouvions d’un côté du mur ou de l’autre, nous déformons systématiquement nos souvenirs et nos récits de manière à maintenir la plus grande consonance possible entre ce que nous avons fait et ce que nous pensons être. En mettant ces déformations systématiques en évidence,” nous comprenons mieux comment chaque partie, au sein d’un conflit “perçoit et comprend aussi mal les actes de l’autres."

Accepter, reconnaitre ses torts et rebondir. "En tant qu'êtres humains faillibles, nous partageons tous une même tendance impulsive à nous justifier et à refuser d'assumer la responsabilité de nos actes dès lors qu'ils se révèlent néfastes, immoraux ou stupides. Nous ne sommes pratiquement jamais amenés à prendre des décisions de nature à changer la vie ou à provoquer la mort de millions de personnes. Cependant, que les conséquences de nos erreurs soient tragiques ou insignifiantes, que leur portée soit immense ou minime il nous est généralement difficile, voire impossible, de dire :" j'ai eu tort; j'ai commis une grave erreur." Plus les enjeux - affectifs, financiers ou moraux - sont importants, plus cette difficulté est grande."

Pourquoi j'ai toujours raison, et pourquoi j'ai aussi toujours tort. "Pourquoi j'ai toujours raison, et les autres ont tort" est un livre qui invite, avec pédagogie et avec une foultitudes d'exemples, à comprendre comment fonctionne le mécanisme psychologique de l'autojustification. Comprendre pour ne plus subir. Comprendre pour ne plus être esclave de son fonctionnement. Restez humble par rapport à vos souvenirs, ayez un esprit critique envers votre mémoire et rappelez-vous qu'"une erreur ne devient une faute que si vous refusez de la corriger" (JFK).

Données techniques: "Pourquoi j'ai toujours raison, et les autres ont tort", Carol Tavris & Elliot Aronson, Clés des Champs / Flammarion, 415 pages

Article rédigé par McGulfin / Fabien Salliou

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