Modiano: Prononcer un discours devant une si nombreuse assemblée, j'éprouve une certaine appréhension

Soumis par Anonyme (non vérifié) le ven 12/12/2014 - 00:00
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« C’est la première fois que je dois prononcer un discours devant une si nombreuse assemblée, » commence Patrick Modiano pendant son discours de réception du prix Nobel de littérature 2014, avant de continuer : « j’avoue que j’éprouve une certaine appréhension. »
 
 
 
« Nous sommes tentés de croire que, pour un écrivain, il est facile de se livrer à cet exercice. Mais un écrivain, tout au moins un romancier, a souvent des rapports difficiles avec la parole (…) Un romancier est plus doué à l’écrit qu’à l’oral. Il a l’habitude de se taire. Et s’il veut se pénétrer d’une atmosphère, il doit se fondre dans la foule, écouter les conversations sans en avoir l’air. Et s’il intervient, c’est toujours pour poser quelques questions discrètes, afin de mieux comprendre les femmes et hommes qui l’entoure, » raconte Patrick Modiano avant d’expliquer que la parole hésitante des romanciers trouve sa cause dans leur habitude de constamment râturer leurs écrits.
« Bien sur, après de multiples râtures, son style peut paraitre limpide. Mais quand il prend la parole, il n’a plus la ressource de corriger ses hésitations. »
 
A la question, pourquoi et comment êtes-vous devenu un romancier ? Le prix Nobel de littérature répond : pour obliger les adultes à écouter, sans interrompre, l’enfant qu’il était et qui n’avait la permission de parler.
 
« Un romancier est aveugle vis à vis de ses propres livres et les lecteurs en savent plus long que lui sur ce qu’il écrit, » analyse Modiano.
 
« Un romancier ne peut jamais être son lecteur, sauf pour corriger, dans son manuscrit, les fautes de syntaxe, de répétitions, supprimer un paragraphe en trop. 
Il a une représentation confuse et abstraite de son œuvre, comme un peintre occupé à faire une fresque au plafond et qui, allongé sur un échafaudage, travaille sur des détails, de trop prêt et sans avoir une vision d’ensemble. »
 
De la naissance d’un livre. « Quand on termine d’écrire un livre, » confie le romancier, « il se détache de vous et commence à respirer l’air de la liberté, comme les enfants en classe la veille des grandes vacances, distraits et bruyants, et qui n’écoutent plus le professeur. (...)
 
Au moment d’écrire les derniers paragraphes, le livre vous témoigne même une certaine hostilité, dans sa hâte de se libérer de vous ; et vous quitte, à peine avez-vous tracé le dernier mot. C’est fini. Il n’a plus besoin de vous. Il vous a déjà oublié et ce sont les lecteurs, désormais, qui le révéleront à lui-même. (...)
Alors, on éprouve un grand vide et un sentiment d’abandon… »
 
Un beau discours de Patrick Modiano que vous pouvez écouter ci-dessous. Et si, comme lui, vous n’êtes pas à l’aise, en difficulté avec cet exercice, la prise de parole en public, Ressources propose une formation « Se montrer, être vu et s'exprimer en public », que commente, en ces mots, Christian Guérin, son initiateur: « Il existe quelque part, plus ou moins bien caché à l'intérieur de chacun de nous, un lieu de lumière, rayonnant, unique. Cependant, et c'est drôle, il suffit de braquer une lumière dessus pour que cet endroit, timidement, disparaisse. Rester lumineux sous le regard de l'autre : tout est là. Mon travail, inspiré de techniques théâtrales, propose par l’entraînement de s'apprivoiser suffisamment pour en tout temps, être soi tout simplement, » Si vous souhaitez de plus amples informations sur la formation, vous pouvez cliquer ici !
 
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